N°5
100x75cm
ISTRIA
Quels sont les ressorts inconscients qui m'ont amenée à considérer ensemble l'arbre et le chemin ? Dans leur opposition structurelle, vertical pour l'arbre et horizontal pour le chemin, se déploient un équilibre vital, une dynamique dans l'ambivalence qui rappellent le contraste ombre -lumière que j'ai introduit également dans mes peintures.
Cette dissonance de surface masque en réalité la complémentarité des deux termes. La vie se nourrit ainsi d'opposition marquée (chaleur-froid, nuit-jour). A bien y réfléchir, ne sommes nous pas à l'image de ces dualités, des paradoxes ambulants qui oscillent entre bien et mal, clarté et ténèbres.
Ne dit-on pas d'un être qu'il est lumineux, ou à rebours ténébreux ?
Notre vie, à l'image d'une peinture, fluctue dans les tonalités passant de l'obscurité de nos angoisses à l'éclair de nos passions.
Si l'on intègre ce balancement perpétuel comme intrinsèque à notre existence, alors cet état est propice au questionnement où l'imaginaire s'adosse à la réflexion et l'humour à l'humeur.
Mais reprenons le fil de l'arbre et le chemin. Le sentier, parfois sinueux, parfois rectiligne, est une invite à la recherche, au désir d'explorer, à la prise de risque, car chaque détour ouvre sur d'autres perspectives. Cependant, nos pas fébriles, en s'aventurant sur le sentier, tourne le dos à ce qui fut et les traces s'effacent doucement avec le temps et l'oubli (pierre qui roule n'amasse pas mousse)
L'arbre, en revanche, s'impose par son irréductible tracé, et s'il exprime une élévation dans son irrésistible ascension, il se réfère aussi à une robustesse, une permanence indissociable de la stabilité.
« au pied de mon arbre, je vivais heureux ». Pourtant cet enracinement est restreint dans sa limite et indispose par sa raideur.
D'où la question êtes-vous vagabond ou enraciné ? nomade ou sédentaire ?
Sans doute sommes-nous un peu des deux selon les modalités de nos vécus respectifs
Le nomade constitue dans son essence l'esprit du chemin qu'il suit sans contrainte de retour, sans regard en arrière; S'imprime en moi l'image des caravaniers qui traversent les espaces infinis dont les traces se dissolvent sous la caresse du vent.
Et le sédentaire, calé dans son fauteuil dans l'espace clos de son intérieur fermé à double tour, après une dure journée, incarne à son insu l'enracinement d'un lieu précis dont il ne saurait se défaire ;
Le nomade ne connaît pas la clôture, le sédentaire n'envisage pas l'errance. Dans ce narratif, on retrouve l'histoire des hommes qui de chasseur cueilleur évoluant au gré des battues, au petit village enchâssé abritant les récoltes, aux bourgades fortifiées aux commerces florissants, jusqu'au mégalopoles dont le gigantisme grignote les territoires encore inhabitées.
Lhomme ainsi se meut de nomade déclinant à monade, individu solitaire désolidarisé de tout lien qu'il soit territorial ou familial vadrouillant au gré de ses pulsions et de ses besoins De chasseur cueilleur à chauffeur livreur, zigzagant dans les dédalles de rues bétonnées, de guerriers aguerris aux ventripotents avachis, l'homme s'insère dans une histoire où l'arbre est son totem et le chemin son éventualité